Jusqu’au 19ème siècle, aucun pont ne permettait de franchir la Charente à Sireuil. Il fallait emprunter soit un bateau, soit un bac, pour joindre une rive à l’autre. Les passages étaient situés au Port Turcaud, au Port de Sireuil (à peu près à l’emplacement du pont actuel) et au bourg.
La trace la plus ancienne que nous ayons trouvée figure dans une note de 1723 qui stipule que « la redevance pour le passage du port de Cireuil était payée à messire Hélie de Saint Hermine, seigneur de Cireuil ».
Le passage était affermé à un passager ou passeur qui assurait le trafic moyennant un péage. Sur son cantonnement (espace délimité de part et d’autre du passage) il avait l’exclusivité du transport ce qui provoquait des rivalités avec le passeur du bac proche.
Au port de Sireuil, l’entretien était mal assuré, puisqu’une note du 25 germinal an XIII (15 avril 1805) constate le mauvais entretien du bateau, abandonné depuis longtemps. Il est vrai qu’il devait être peu emprunté puisque le chemin de grande communication n°7 de Hiersac à Brossac par Sireuil, Blanzac, Deviat n’existait pratiquement pas, non plus.
Vers 1830, on pouvait traverser par un bac à péage coûteux et peu sûr (un peu en aval du pont actuel). En effet, le 11 août 1839, le conseil municipal de Sireuil décide que « les habitants de la rive gauche, feront leurs prestations (1) sur leur territoire attendu que les passages de la Charente occasionnent des frais et provoquent des dangers ».
Le 3 mai 1841, le bac du port de Sireuil en mauvais état, les Ponts et Chaussées de la Charente estiment nécessaire la construction d’un pont.
Et le 18 juillet 1841, « le Conseil Municipal de Sireuil approuve le projet de construction d’un pont suspendu à péage à la place du bac actuel. Le péage serait supérieur d’1/3 à celui du bac ».
LE PONT SUSPENDU
Le 2 octobre 1844, le ministère des Travaux publics décide que le passage du Port de Sireuil est supprimé suite à l’ouverture du pont suspendu.
Il devenait nécessaire avec la création d’une tréfilerie à Sireuil et le chemin de grande communication n°7 va relier Sireuil au GC 12 Angoulême-Archiac.
Le nouveau pont était aussi fréquenté par des enfants qui y pratiquaient la pêche. A cette époque où les familles nombreuses n’étaient pas rares, mais les ressources très minces, les poissons qu’ils rapportaient étaient appréciés pour le repas familial.
Parfois, quelque incident venait ternir la joie de la prise.
Dans les années 1860, le jeune Jules NIVELLE du village des Pastureaux, aîné de 8 ou 9 enfants, s’était couché à plat ventre sur le tablier du pont, pour surveiller sa ligne de fortune qui plongeait au milieu du cours poissonneux de la Charente. Petit à petit, son petit sac de toile se remplissait d’une friture qu’il savourait déjà. Mais, quand il se releva, désagréable surprise !…. La chaleur avait fait fondre le goudron du tablier du pont suspendu et sa blouse en était maculée. L’accueil que lui réserva sa maman ? … Dans ses vieux jours, il n’avait pas oublié la calotte qu’il avait reçue : Sa pauvre maman avait dû faire tant de sacrifices pour payer une blouse neuve à son gamin !
Le pont suspendu restera en service près de 40 ans, avec ses inconvénients et ses insuffisances, car la vie industrielle se développe à Sireuil et le trafic augmente encore quand Emile Martin achète la tréfilerie, en 1852, pour y établir la forge MARTIN.
Le 11 février 1883, le Conseil Municipal de Sireuil prend acte du mauvais état du pont suspendu. « La circulation est très active vu le voisinage des importantes carrières de Sireuil, des forges de Sireuil, des minsteries de Lunesse (2) et de Saint Simeux. La circulation est dangereuse. Un accident s’y est déjà produit, ce qui montre le danger pour les nombreux attelages passant à cet endroit »
LE PONT DE PIERRE
Le nouveau pont de pierre achevé en 1886 a vu passer les chargements de pierres des carrières de Sireuil conduits vers la gare, et le trafic important des Tanneries pendant près de 100 ans.
En février 1904, sa solidité a été menacée par les troncs de peupliers accumulés derrière ses piles, par l’importante inondation. Mais, il a résisté.
De l’automne 1998 à mars 1999, de grands travaux ont consolidé ses piliers.
Rajeuni, il mire l’élégance de ses arches dans l’eau paisible de la Charente qu’il enjambe sur 98 mètres.
(1)° Prestations : Impôts direct en nature institué en 1836, consistant en un travail de quatre jours, fourni par les habitants d’une commune, pour l’entretien des chemins vicinaux.
(2)° Lunesse : Ce sont des îles situées près de l’écluse de la Liège, au pied du coteau de Champmillon, où l’on trouvait plusieurs moulins à blé.
Documentation
1°Délibérations du Conseil Municipal de Sireuil
2°Bulletin du Conseil Général « Tonus Charente » février 1999
3°Archives départementales de la Charente. Série S. Travée 1080
Par Simone CADERT